La semaine a été bien chargée. Comme d'habitude. Des clients râleurs, des responsables râleurs, des gens râleurs dans tous les coins.
Rien ne va, si ce n'est que le soleil pointe enfin le bout de son nez et que les températures deviennent plus agréables.
Mais tout est toujours matière à râler. L'autre jour, je me suis retrouvée coincée dans le métro le nez sous les aisselles d'un gros bonhomme qui transpirait comme un bœuf. S'il avait fait moins chaud et si la direction des transports publics avait enclenché la climatisation dans la rame, j'aurais été plus à l'aise et le gros bonhomme aussi sans doute.
Je suis allée boire une bière sur une terrasse un soir de cette semaine. Une belle terrasse, une des plus belles de la ville, un bar lounge dans lequel il faut débourser une certaine somme pour s'hydrater. Mais quelle surprise de voir que le service ne se faisait pas en terrasse et qu'il fallait s'adresser au bar. Là aussi, une mauvaise humeur m'a envahie et j'ai râlé dans la barbe que je n'ai pas. Au prix où est la bière, la serveuse n'avait qu'à bouger son arrière-train pour prendre la commande et venir servir les clients au lieu de pérorer derrière le bar telle une pimbêche.
Ce matin, j'ai encore râlé contre la voisine du dessus qui marche comme un éléphant alors qu'elle ressemble plutôt à une gazelle.
J'ai aussi pesté contre mon modem qui a rendu l'âme vendredi passé à 08h01 et 30 secondes. Il est mort sans rien dire, sans m'avertir. Trois jours sans connexion internet! Quelle affaire, quel stress! J'ai crû que j'allais mourir.
A bien y réfléchir, je fais comme tout le monde ou tout le monde fait comme moi. On râle pour tout, sur tout, de tout. On s'insurge contre des petites choses, on se plaint continuellement, on n'est JAMAIS content.
Les voisins font du bruit, le métro est surchargé, la bière coûte cher en terrasse, le soleil tape trop fort, on n'a pas eu de printemps, nos dirigeants sont des cons, Federer a perdu, Stan aussi, les factures s'accumulent, le salaire n'augmente pas, c'est la crise, Evelyne se courbe devant les Américains, Barack met tous ses citoyens sur écoute, il pleut des cordes en Hongrie, le concierge n'a pas nettoyé la buanderie, il y a de mauvaises herbes sur la terrasse, l'appartement est trop petit, le conjoint ne fait jamais le ménage, etc.
Et pourtant!!
Ne peut-on voir une fois ce qui est positif?
Il me semble que les médias participent allègrement à cette sorte de sinistrose qui s'installe. On ne parle que de meurtres, des défilés dans les rues, de mécontents de ci ou de ça, d'un président pantin, de banques pas honnêtes, de citoyens qui cassent tous dans les rues et j'en passe et des meilleurs.
Je pense que chaque journaliste a un devoir d'informations et qu'il doit relayer au grand public ce qui se passe dans le monde mais ne pourrait-il pas également faire ressortir quelques nouvelles positives qui nous remettraient le moral en place et nous empêcheraient de tout voir en noir? Dans le même ordre d'idées, chaque citoyen doit avoir un esprit critique qui lui permet d'évoluer dans la Cité et d’œuvrer pour le bien de tous mais il lui appartient également de voir les points positifs de son existence et de faire en sorte de les améliorer dans un sens constructif.
Je m'insurge contre cette ambiance qui nous assaille. Elle me pèse et me tire parfois le moral sous les chaussettes. Heureusement, on va pouvoir sortir les tongues et ne plus porter de chaussettes pendant quelques jours.
Il y a eu de tous temps des périodes difficiles et ce n'est pas plus pire maintenant qu'avant. Ce qui est plus difficile à gérer, c'est qu'avec la mondialisation de l'information, les réseaux sociaux, l'information tout de suite, on sait tout sur tout et très rapidement. Je n'ai pas eu le temps hier de rentrer à la maison et d'ouvrir mon frigo pour y prendre une bière que je savais déjà que la fille de M. Jackson avait fait une tentative de suicide. C'est triste pour elle mais je ne peux rien y faire. Et j'ai bu ma bière dans mon fauteuil. Je me suis même empiffrée par la suite avec une bonne glace Mövenpick.
Comme on dit par ici quand on rencontre quelqu'un: "ça va ou bien?"
Et bien oui, ça ne va pas trop mal. Je suis vivante, j'ai un nouveau modem, j'ai un appartement, j'ai un peu d'argent, je peux boire des bières en terrasse et il y a pire que ma situation. Je ne suis pas en Syrie, je ne suis pas un ours blanc en Arctique, je ne suis pas sans-abri, je ne suis pas en prison, j'ai un compte à l'UBS et je ne fraude pas, j'ai un ours en peluche sympa, j'ai des amis sûrs, je dois encore 1000 balles à l'Etat de Vaud et surtout, surtout, je peux chanter sous ma douche! Et puis visiter les blogs des copains c'est sympathique aussi. On y apprend que Claude a eu un peu de soleil, que Bergson a rencontré un cheval, que Marie-Marguerite marche dans Paris, que la dame du Nord visite des églises ouvertes le dimanche, que notre Cergie est heureuse grand-mère et boit des chocolats chauds quand il est froid, que Solange se balade parmi les fleurs qui poussent et que notre ami Jackss arrive dans un coin de pays merveilleux. Alors oui, il y a plein de choses positives. Thérèse prend même plaisir à photographier des araignées et Fifi se roule par terre pour prendre des fleurs en photo.
Je déclare la guerre ouverte contre la sinistrose et merde aux râleurs professionnels, ils me gavent.
© Dédé Juin 2013