dimanche 27 avril 2014

Fous ta cagoule et va jouer au ballon




Dans quelques semaines, le monde entier aura les yeux rivés sur les stades brésiliens. A l'intérieur de ces édifices gigantesques qui auront coûté des dizaines de milliers d'euros à la population et au gouvernement se trémousseront des stars rémunérées de manière indécente pour courir après un vulgaire ballon rond.
La coupe du monde de football débutera le 12 juin et se terminera si tout se déroule comme prévu le 13 juillet.

Ce sera l'occasion de boire de la bière en rotant devant la télévision, de se gratter les roupettes avec les copains vautrés sur le canapé, de vivre ensemble des heures folles en supportant nos équipes nationales, de faire des paris débiles et de voir des foules en délire se trémousser au rythme de la samba dans les stades brésiliens. Les bistrots prépareront des caipirinhas dégueulasses et mettront des écrans géants pour appâter les consommateurs. Les patrons verront arriver le lendemain des employés hagards qui auront fêté toute la nuit les prouesses de leurs stars en culotte courte.

Pour les plus chanceux dont je fais partie, habitant dans le centre des grandes agglomérations de ce pays, on dégustera jusqu'à une heure avancée de la nuit les crétins qui circuleront au volant de leur bagnole en klaxonnant pour fêter la victoire de leur équipe. Il y aura les Espagnols, les Portugais, peut-être quelques Français et puis bien sûr les Suisses si la Nati arrive déjà à bout de l'Equateur le 15 juin prochain. Les Anglais resteront confinés dans les pub à boire de la bière en gueulant comme des bœufs et les Allemands feront des grillades sur leurs terrasses en criant: "Hop Deutschland!"

Depuis quelques semaines, les binettes des membres de l'équipe nationale  s'affichent partout. On connaît les malheurs de chacun d'eux au point que leurs souffrances deviennent les nôtres. On arrête de respirer quand on apprend que Shaquiri est blessé et on reprend des couleurs quand il rassure ses fans sur son état de santé à 60 jours du premier match de la Nati. On boit plus de Coca Cola, partenaire officiel de la FIFA, du coup on a plus de gaz dans l'estomac que l'on doit évacuer bruyamment soit par-devant, soit par derrière. Les vignettes Panini sont échangées dans les cours de récréation par des hordes d'écoliers hystériques. On s'étiole de chagrin après avoir appris que Wölfli ait annoncé son désistement pour la compétition et le sélectionneur Hitzfeld sera bientôt canonisé par notre bon pape François à la royale abbaye de Saint-Maurice.

Promis, le temps de la compétition, j'enfilerai mes chaussettes rouges et mon string avec la croix suisse imprimée sur la ficelle pour aller bosser et je jure que j'apprendrai enfin les paroles de la deuxième strophe de l'hymne national pour ne pas avoir besoin de faire lalalala lors de la partie officielle précédant les matchs de la Nati.

La police a promis qu'elle endiguerait le flot des imbéciles qui manifesteront sans tambour mais avec trompette en actionnant avec frénésie leur klaxon. Elle proclamait déjà cela il y a 4 ans en arrière mais les débordements ont quand même eu lieu en ville. L'hystérie collective prendra le pas sur l'individu lambda qui souhaite simplement qu'on lui foute la paix, préférant les matchs de tennis, les descentes de ski ou alors rien du tout de tout cela.
 
On peut se demander pourquoi les fans ne sortent pas à chaque victoire de Federer ou Wavrinka pour faire tutututututututut pendant des heures dans les rues. On me répondra peut-être que le foot, c'est un sport plus populaire qui draine les foules et déchaîne les passions. Un ballon rond, c'est plus fédérateur qu'une balle jaune. Ou alors peut-être que les fans de foot sont plus débiles que les fans d'autres sports.

Ceci est une hypothèse qui mérite qu'on s'y attarde quelque peu.

Les fans de foot suisses ont déjà vécu la grand messe de la finale de la Coupe de Suisse qui s'est jouée dans la capitale le 21 avril dernier. Cette année, c'était un duel entre Suisses allemands, FC Bâle contre FC Zurich. Zurich l'a emporté après prolongation contre Bâle qui pourtant était donné comme favori suite à sa carrière plus que respectable au niveau international. Pourtant, alors que le football est considéré par beaucoup comme l'opium du peuple, une maigre assistance a salué l'exploit des vainqueurs. Mais là ne réside pas mon étonnement.

Au prix d'un important déploiement de forces et de mesures préventives, la police bernoise a pu heureusement empêcher toute confrontation "majeure" entre fans zurichois et bâlois lors de la finale.
Seulement, ce qui devait être la fête du sport en ce lendemain de Pâques dérive en une lamentable démonstration de crétins casseurs dans les rues de la capitale et a fait la une du journal télévisé le soir même. Ainsi, les dégâts matériels en ville de Berne ont été nombreux et quarante-cinq personnes ont été interpellées.

Pourtant, la direction de la sécurité bernoise a eu d'intenses pourparlers avec l'association suisse de football afin de préparer la manifestation. Un parcours a été choisi pour endiguer le flots des supporters entre la gare ferroviaire et le stade. La police a sorti les gaz lacrymogène et les chiens policiers ont joué avec des balles en caoutchouc. Mais cela n'a pas suffit à empêcher les actes de vandalisme. En effet, des blaireaux cagoulés s'en sont pris aux vitrines des magasins et d'autres dégâts sur la voie publique ont été constatés. Capuchon sur la tête, entre 150 et 200 Hooligans ont fait les pitres et le car des joueurs bâlois a même été caillassé à son arrivée au stade.

Magnifique! Quelle belle démonstration d'incivilité et surtout d'imbécilité. Le résultat des courses, c'est que les autorités de la ville de Berne ne veulent plus accueillir cette joute sportive à l'avenir sous prétexte que les clubs n'arrivent pas à discipliner leurs supporters. La fête du sport est définitivement ternie.

Me revient alors le titre phare de Fatal Bazooka "Fous ta cagoule" ainsi que ses paroles mythiques que tout le monde chante l'hiver venu:

"Fous ta cagoule !
Fous ta cagoule !
Ou t'auras froid, t'auras les glandes, t'auras les boules
Fous ta cagoule, ouais !"

A Berne le 21 avril 2014, il ne faisait pas si frisquet, c'était le printemps même si la météo était plutôt capricieuse et pourtant de sombres petits cons, se croyant peut-être au Pôle Nord, se sont dit que ce serait cool de foutre leur cagoule afin de casser, piétiner, insulter et narguer. Et c'est bien plutôt la police bernoise et les victimes des déprédations qui ont eu les boules devant le spectacle déplorable laissé par les casseurs.

J'ose imaginer pourtant que la majorité des fans de foot sont plus intelligents que les capuchonés que j'ai vus à la télévision et sont porteurs encore de quelques neurones. J'espère également que les Brésiliens ne verront pas débarquer des Hooligans dans leurs rues. Mais pour ceux qui arriveront à passer à travers les mailles du filet de sécurité, cela va leur être difficile de garder une cagoule sur la tronche pour aller faire les pitres autour des stades, dans les rues et dans les favelas brésiliens.

En effet, la température sera nettement plus élevée sur le continent sud-américain que dans la capitale suisse en avril. Et on le sait bien: au Brésil, pendant les grandes fêtes et le Carnaval en particulier, on s'habille le moins possible, on se plante une plume dans le postérieur, on enfile un string, on se couvre de paillettes pour cacher ce qu'on ne saurait voir et on déambule dans les rues en branlant ses fesses sur un rythme endiablé. Pas question d'avoir une cagoule sur la tête, ça donne un air blaireau, ça tient chaud et ce n'est pas du tout sexy!

Avoir une cagoule sur la tête peut expliquer peut-être la bêtise crasse de ces casseurs du 21 avril. Une cagoule, ça donne chaud à la tête et le dégagement de la chaleur peut entraîner la fonte des neurones voire leur disparition fatale, ce qui entraîne à très court terme une prise de décision complètement faussée de la réalité et provoque des débordements sur la voie publique. On estime alors qu'il est normal de tout "péter" autour de soi, de se défouler et de faire des bras d'honneur aux forces de l'ordre. C'est l'occasion rêvée de se donner en spectacle une fois dans l'année, d'échapper à un quotidien morne et de casser les vitrines des bijoutiers suisses qui vendent des Tissot hors de prix aux richissimes nababs de pays lointains.

Il serait pourtant dommage qu'à cause d'un groupuscule de blaireaux cagoulés, les autorités sportives doivent édicter des règles de plus en plus sévères afin de canaliser les éventuels excès de frénésie: interdiction de boire de l'alcool dans les stades et dans les environs, interdiction de manger des saucisses grasses avec les doigts et de se mettre de la mayonnaise sur le maillot de foot aux couleurs nationales, prohibition des tambours et des trompettes en si bémol dans les rangs de la fanfare du club des fans, disparition des chapeaux débiles et autres maquillages affreux, présence de chiens très méchants et policiers baveux (ou l'inverse) en force dans les stades. Et pourtant, on y est presque, en tous les cas pour certains points. Et cela donne matière à réflexion: à cause d'une minorité, on impose à la majorité des règles de plus en plus strictes, dans le sport comme dans d'autres domaines.

C'est décidé, à la prochaine victoire de Federer ou de Wavrinka, ou alors de celle plus improbable de Didier Défago, je descends dans la rue cagoulée après avoir avalé un litre de Carlsberg, je mets une vuvuzela dans la pot d'échappement de ma bagnole, j'appuie sur le champignon, j'actionne le klaxon et je fonce dans les vitrines de l'UBS ou du Crédit Suisse. Cela fera un peu de ménage et me permettra de me défouler les nerfs parce que MOI AUSSI J'AI UNE VIE STRESSANTE, J'AI BESOIN D'EXUTOIRE, JE VEUX FOUTRE LE BRONX, J'AI ENVIE DE PETER LES PLOMBS. EN RESUME, J'AI ENVIE DE NIQUER LA POLICE ET DE MORDRE UN CHIEN POLICIER (ou l'inverse), JE VEUX DEGUEULER SUR LES RICHES, LES GOUVERNEMENTS ET CEUX QUI NE ME COMPRENNENT PAS.

Je serai la reine du monde le temps d'un instant. Darius parlera de moi au TJ du soir et je ferai enfin le buzz sur la Toile. Et peut-être même que la Suisse sera championne du monde!
 
Vive le sport!


© Dédé Avril 2014

 

samedi 12 avril 2014

Bande de cons-sommateurs!

Quelques fleurs pour  égayer un propos désabusé


Le printemps 2014 a été précoce.

Dès la mi-mars, sous nos latitudes, la nature a repris son rythme de croissance. Jonquilles, tulipes et autres merveilles de la nature ravivent nos yeux.
 
Tout le monde se réjouit. Les restaurateurs sortent les tables sur les terrasses mais n'ont pas le personnel suffisant pour contenter les clients, (j'ai dû attendre plus de 20 minutes pour commander ma pizza l'autre jour à Genève), la populace se précipite au bord du lac pour aller s'y promener et les stations d'hiver tirent la tronche car la saison n'a pas été des plus phénoménales: pas assez de neige à Noël, des précipitations soutenues pendant les fins de semaine, des installations bloquées à cause des mauvaises conditions climatiques et des vacances de Pâques tard en avril, ce qui a pour conséquence le départ des touristes plutôt en bord de mer que sur nos cimes dégarnies.

De toutes façons, vous l'aurez remarqué, les professionnels du tourisme ne sont jamais contents: il y a toujours quelque chose qui ne convient pas et on se lamente à longueur de saison touristique. Les stations de montagne devraient plutôt se mettre à réfléchir à comment attirer le touriste quand il y a moins de neige à Noël. Au lieu de cela, on met des canons à neige partout et les athlètes des Jeux Olympiques d'hiver à Sotchi ont sorti des combinaisons à manches courtes pour certaines compétitions. (on a pu voir ainsi les beaux muscles de Dario Cologna sur ses skis de fond)

Il faut bien l'admettre: le rythme des saisons change. Et nous devons en prendre acte.
 
J'ai ainsi appris que près d'un quart des espèces européennes de bourdons sont menacées d'extinction du fait surtout du changement climatique et de l'intensification de l'agriculture. Ainsi le Bombus fragrans (non il ne s'agit pas d'un avion à réaction mais bien d'un bourdon) vrombissant au-dessus des fleurs est gravement menacée dans l'Est de l'Europe alors que la grosse teigne Poutine est toujours au taquet près de la frontière ukrainienne. Les bourdons, comme d'autres pollinisateurs, ont un rôle essentiel dans la production alimentaire. La pollinisation d'une grande majorité d'espèces sauvages et d'espèces cultivées, comme les tomates et les poivrons, permet non seulement à ces espèces de se reproduire mais aussi d'améliorer le rendement des récoltes. Leur disparition n'est donc pas sans conséquence, comme celle des abeilles.

J'ai également appris que  l'année dernière, caractérisée par de nombreux phénomènes climatiques extrêmes, a été la sixième année la plus chaude depuis le début des observations faites par l'Organisation météorologique mondiale. On a également observé que le début de l'année 2014 a été chaotique pour certaines régions d'Angleterre et de France balayées par des vents violents pendant que plusieurs régions des Etats-Unis se gelaient le pompon. Les caprices de la météo seraient dus au réchauffement climatique selon certains scientifiques.

J'ai également lu que l'Australie va connaître une augmentation des jours de chaleur extrême et un allongement de la saison des feux de brousse au fur et à mesure que les gaz à effet de serre poussent les températures à la hausse. Les kangourous apprendront à se balader avec une lance à incendie dans le dos et les aborigènes mettront des combinaisons de pompiers pour faire la danse de la pluie qui ne viendra pas.

On assiste même à un nouveau phénomène. Après les réfugiées économiques qui coulent en Méditerranée sur des radeaux de fortune apparaissent les réfugiées climatiques. Des îles de l'Océan pacifique disparaissent sous les flot et des villages entiers sont rayés de la carte provoquant un afflux de population en Australie par exemple, la même Australie qui va cramer et crever de chaud dans un proche avenir.

Tout cela devrait nous faire réfléchir. Même si l'Homme ne peut être tenu responsable de toutes les frasques de la nature, il est à l'origine de certains phénomènes et non des moindres.
 
Nos gouvernements nous vantent les mérites du développement durable, la consommation de produits locaux, les économies d'énergie et l'utilisation des transports publics. On plante des éoliennes dans nos potagers et on fabrique des véhicules électriques.  Le citoyen fait mine d'être responsable, trie ses déchets et devise au sujet des énergies renouvelables. Les politiques réfléchissent à la diminution de certains gaz, améliorent l'offre des transports publics et mettent des taxes pour inciter les honnêtes gens à consommer plus intelligemment. On se croirait presque dans une société parfaite.
Que nenni!

Les grandes enseignes de la distribution continuent de pousser les consommateurs à manger des produits qui ne viennent pas de chez nous. En effet, quelle ne fut pas ma surprise, occupée à faire mes courses dans les rayons de la Coop, de trouver des asperges provenant... du Pérou.
 
J'ai regardé attentivement l'étiquette et j'ai reposé la barquette en rayon. A côté des dames blanches et fines trônaient les fameuses fraises espagnoles, celles qui n'ont aucun goût et qui sont cueillies par des esclaves marocains.
Alors que j'étais venue faire mes courses à pieds, ayant jeté auparavant mes bouteilles de pet à l'endroit dévolu à cet effet et que j'avais consciencieusement dit bonjour au gérant du magasin, on me propose des asperges péruviennes alors que le Valais en produit, certes plus chères mais bien plus proches.
 
Avant de commencer mes emplettes alimentaires, j'avais la pêche et puis soudain je me suis dit qu'on me prenait vraiment pour une bonne poire. Je suis alors devenue rouge de colère comme une tomate puis blanche comme une endive puis j'ai hurlé intérieurement. Ces émotions intenses m'ont presque fait tomber dans les pommes.
 
On nous prend vraiment pour des imbéciles. Non seulement ces pauvres asperges sont venues de très loin pour se faire croquer par des consommateurs suisses, provoquant des nuisances sur l'environnement rien que par leur transport mais en plus de cela, elles ont pour conséquences des désastres écologiques et humanitaires dans leur pays de cueillette.

En effet, l’ONG britannique Progressio s’est intéressée à l’état des nappes phréatiques dans la vallée péruvienne d’Ica, haut lieu de la production d’asperges. Son rapport relève qu’un pompage massif pour cette culture importante pour le développement économique de la région a conduit à un tarissement de puits. Dans certains coins de la vallée, la baisse du niveau des nappes atteindrait huit mètres par an. Du coup, l’eau serait rationnée dans certains villages, parfois à un niveau de 10 litres par jour et par personne, cinq fois moins que ce que préconise l’Organisation mondiale de la santé. Trois cent mille personnes seraient menacées par la pénurie d’eau douce.
Et pendant ce temps-là, les consommateurs suisses vont manger des asperges durant le WE pascal avec une bonne mayonnaise, s'extasiant la bouche pleine et la conscience tranquille sur ce beau printemps.

Non vraiment, je ne comprends pas les contradictions qui nous entourent. On se fait presser comme des citrons pour certaines taxes environnementales, on n'a plus un radis à la fin du mois, on est des bonnes poires pendant que nos gouvernements ont un pois chiche dans la tête. Mais le printemps est si beau.

Certains me répondront que tout ça, ce ne sont pas mes oignons mais je me dis pourtant qu'attendre les asperges valaisannes, cela ne semble pourtant... pas le Pérou.

A bon entendeur bande de cons-sommateurs!


© Dédé Avril 2014